Le travail à distance et nomadisme numérique, des modèles faits pour durer ? Quels enjeux ?

Nov 2022 | Cloud, Gouvernance

Les réflexions autour des questions de mobilité, de travail à distance (ou télétravail), et de travail collaboratif malgré la disparité géographique des collaborateurs sont des thèmes fréquemment traités dans les orientations stratégiques des organisations que nous accompagnons. Ils concernent aussi bien des organisations privées que publiques et cela quelle que soit leur taille ou leur nature.

La tendance au nomadisme numérique[1] est-elle un épiphénomène postérieur aux différents confinements ou bien une restructuration plus profonde et durable ? Quelles sont ses implications pour les organisations ?

Ce sont à ces interrogations auxquelles nous souhaitons amener des pistes de réflexion et de compréhension dans ce premier article consacré à ce modèle de travail.

[1] Le nomadisme numérique peut se définir comme « … toute forme d’utilisation des technologies de l’information permettant à un utilisateur d’accéder au SI de son entité d’appartenance ou d’emploi, depuis des lieux distants, ces lieux n’étant pas maîtrisés par l’entité ». Le télétravail est une forme de nomadisme numérique. Source : Guide ANSSI « Recommandations sur le nomadisme numérique ».

Télétravail, quelles opportunités ?

La transformation des espaces de travail et l’évolution des pratiques est antérieure à la crise sanitaire.


Source : LinkedIn Global Talent Trends 2019

Déjà en 2019, un rapport publié par LinkedIn faisait ressortir une augmentation depuis 2016 de 78% des offres d’emplois mentionnant la flexibilité du lieu de travail.

Toutefois les périodes de confinement successives et le déploiement d’un télétravail de crise ont très largement renforcé cette tendance en permettant un maintien de l’activité professionnelle.

Il est vrai que la flexibilité apportée par les possibilités de travail à distance et de nomadisme numérique recèle de nombreux attraits et opportunités.

D’un point de vue personnel, les possibilités de télétravail et la flexibilité géographique induite, permettent de réduire la fréquence des trajets quotidiens voire influent le choix du lieu de résidence et, in fine, contribuent à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée.

Les impacts potentiels sur des enjeux sociétaux et environnementaux sont à prendre également en considération : déconcentration urbaine au profit de zones moins denses, limitation des déplacements. Ce dernier point est cependant à nuancer. En effet, la réduction de la fréquence des déplacements pourrait être contrebalancée par l’allongement des distances entre le lieu de résidence et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle.

Pour les organisations la transformation des espaces de travail comporte également des avantages.

Un consensus se dégage sur l’augmentation de la performance des entreprises et de la productivité pour peu que ce modèle d’organisation soit piloté et utilisé à bon escient.

Il peut également être synonyme d’une réduction des dépenses que ce soit immobilières, de fonctionnement de structure ou la réduction des déplacements professionnel et des frais associés.

Dans la recherche de nouveaux talents ou dans la fidélisation des salariés, une organisation du travail plus flexible se révèle être un atout. Ce dernier point est d’autant plus vrai pour les générations Y et Z qui sont familiarisées avec les réseaux sociaux et plus habituées aux interrelations numériques.

Différence d’engagement sur un poste en entreprise
mentionnant la flexibilité, par rapport au poste moyen en entreprise

 

Les risques du travail à distance

Le modèle de travail distribué n’est pas pour autant sans risques.

D’une manière générale, la porosité entre vie professionnelle et vie personnelle n’est pas sans conséquence et peut entrainer des effets délétères :

  • Isolement
  • Surmenage du pour partie à l’allongement de la plage de disponibilité
  • Désocialisation
  • Immixtion de la vie professionnelle dans la sphère personnelle

 

Au sein même des organisations, ce modèle peut fragiliser le lien social et la culture d’entreprise.

Développer et maintenir une dynamique de groupe, fédérer une équipe, la manager, deviennent des enjeux majeurs et nécessitent une méthodologie et un outillage adaptés.

De la même manière, la communication, la confrontation des idées et le partage de connaissances, la résolution de problèmes peuvent être appauvris par la distanciation entre les différents acteurs.

Enfin il ne faut pas perdre de vue que toutes les activités professionnelles ne peuvent pas bénéficier de cette flexibilité. En ce sens le télétravail et le nomadisme numérique sont potentiellement générateurs d’inégalités :

  • Cols blancs – col bleus
  • Hommes – femmes
  • Métiers de services – métiers nécessitant une manipulation physique

Télétravail au cours de l’année 2021
Source Insee, enquête Emploi 2021

Une nécessaire Gouvernance

Si un modèle de travail distribué présente de nombreux avantages pour les collaborateurs comme pour les organisations, il comporte certains travers qui doivent être anticipés et maîtrisés.

Son déploiement ou sa pérennisation en sortie de crise est un projet global d’entreprise dont les répercussions sont multiples : stratégiques, organisationnelles, techniques, managériales.

Il est dès lors nécessaire d’intégrer ces questions dans la trajectoire numérique de l’organisation en ayant une vision claire des besoins métiers, du champ des possibles, du taux d’effort associé et des impacts sur le SI et sa sécurisation.

En termes de gouvernance, la concertation des parties prenantes est un prérequis incontournable, chacune ayant des attentes qui lui sont propres

  • Pour l’organisation, maintenir la performance, la motivation des collaborateurs et développer son image.
  • Pour les managers, maintenir la cohésion des équipes, la motivation, préserver la qualité du travail fourni.
  • Pour les collaborateurs, bénéficier de conditions de travail adaptées, facilitantes et surtout équitables entre ceux à distance et sur site.

L’objectif : faciliter l’appropriation du projet et identifier plus finement les freins et les opportunités.

La gouvernance doit aboutir également à une définition des règles d’usages du SI. Elle doit servir de point d’appui à l’ensemble du projet et répondre à des problématiques transverses telles que le droit à la déconnexion.

 

Cybersécurité, un changement de paradigme

D’un point de vue opérationnel, un des défis majeurs concerne la cybersécurité.

Il s’agit en effet de protéger une surface d’attaque beaucoup plus étendue. Cette extension est la conséquence directe de nombreux facteurs :

  • une délocalisation des personne, des ressources voire des services
  • l’ouverture du SI avec l’extérieur
  • la mise en œuvre de nouvelles technologies et notamment Cloud

 

Dans les faits, chaque lieu de travail à distance devient une succursale de l’organisation.

Leur gestion en termes de sécurité est plus complexe. Elle nécessite une approche sensiblement différente d’une démarche plus traditionnelle, jusque-là fondée sur la mise en place de Firewalls, de VPN sites à sites, …

Le contrôle des réseaux ou des périphériques est également complexifiée voire rendue impossible. Comment s’assurer de l’intégrité et de la confidentialité des données véhiculées au travers d’un Wifi public ? Faut-il d’ailleurs accepter ces types d’accès réseaux dans les règles d’usages du SI ?

Pour s’adapter à ces mutations, les modèles de sécurité traditionnels sont progressivement abandonnés au profit d’une approche centrée sur une architecture de type Zero Trust.

Les équipes IT et support sont également impactées.

Elles doivent pouvoir gérer à distance la sécurité des périphériques, leur conformité aux règles d’accès à l’organisation, leur administration, leur supervision, leur maintien en conditions opérationnelles …. La liste est longue !

Les utilisateurs à distance quant à eux attendent un support IT aussi efficace et réactif qu’en étant sur site.

C’est un défi pour les équipes techniques qu’il conviendra de placer dans les meilleures dispositions possibles : formation en amont, moyens techniques, organisation des services.

 

Digitalisation et adaptation du Système d’Information

D’un point de vue plus organisationnel, chaque utilisateur distant a besoin d’un ensemble solide d’outils et de process pour préserver le lien et l’implication avec ses pairs.

En d’autres termes, la perte des interactions en présentiel doit être compensée par la mise en œuvre de solutions technologiques adaptées.

Le Système d’Information doit poursuivre sa digitalisation et innover.

La communication est un aspect majeur. Elle être fluidifiée pour répondre à la disparité géographique des utilisateurs.

En ce sens, une solution de téléphonie moderne, affranchie du combiné traditionnel, basée sur une solution logicielle sera plus adaptée aux contraintes de mobilité.

Dans cette logique, l’utilisation du tchat se popularise également en permettant une communication synchrone ou asynchrone selon la disponibilité de l’interlocuteur.

Les outils de visioconférence s’adaptent et évoluent aussi. L’enjeu est de proposer une expérience unifiée aux utilisateurs et des moyens au plus proche d’une réunion en présentiel.

Dans un modèle de travail en mobilité, l’accès aux données, la collaboration entre les membres d’une équipe, est essentiel.

Le pic de sollicitation des outils de type collaboratifs (Teams, Slack pour ne parler que ce ceux-là…) lors de la mise en place du premier confinement en est l’illustration parfaite.

Au-delà de l’aspect organisationnel et technologique, la mise en œuvre d’un modèle de travail intégrant le télétravail et le nomadisme numérique est aussi et surtout un projet humain et comportemental.

Travailler à distance, collaborer efficacement au moyen des nouveaux outils numériques n’est pas forcément inné voire peut être générateur d’inégalités.

Si l’on veut susciter l’adhésion, maintenir la cohésion des équipes et la performance, un accompagnement au changement et la création d’un parcours d’apprentissage sont incontournables.

Ce dernier point est d’autant plus important que les attentes des collaborateurs en termes de formations et de développement sont importantes.


Microsoft – Work Trend Index  Sept. 2022

La mise en œuvre de ce modèle de travail doit s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue et être régulièrement révisé. Pour ce faire il est indispensable de disposer d’indicateurs de pilotage à destination des équipes IT et métiers qui pourront ainsi, adapter les services à l’évolution des besoins et des usages, identifier des taux d’usages ou détecter des besoins de formation par exemple.

 

Le travail à distance : un projet transverse aux multiples enjeux

En résumé, bon nombre de facteurs nous confortent dans l’idée que l’on assiste à des changements radicaux dans la structure du travail avec une pérennisation du travail à distance et un développement du nomadisme numérique.

Il s’agit d’une dynamique de fond apportant sont lots de bénéfices mais également de risques.

La digitalisation et la mise à disposition de nouveaux outils numériques, la réorganisation des SI représentent une partie des moyens à disposition mais ne sont pas suffisants.

Si une concertation en amont avec l’ensemble des parties prenantes profiterait considérablement à la réussite de l’évolution des pratiques, il est nécessaire de prendre en compte les objectifs de l’entreprise, et d’aligner, moyens mis en œuvre, avec les capacités d’absorption humaines des équipes.

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